jeudi 10 juillet 2008

chapitre 3

Le deuxième dimanche de mars, en début d’après-midi, frère Jean et frère Jeannin, deux des moines infirmiers de l’hôpital saint Julien s’étaient moqué de lui :
- "Tu vas à Cressanges ! Il va te falloir traverser la forêt de Moladier sur plus de 5 lieues : méfie-toi des charbonniers que tu croiseras. Ce seront peut-être des meneurs de loups. Prends bien garde à ne pas t’y trouver encore à la nuit tombée ! Si ta jolie face a déplu à ces suppôts du diable, ils sont capables de lancer sur toi leurs bêtes féroces.Lorenzo avait déjà rencontré, à jour de marché, ces hommes au visage maculé de suie, coiffés de grands chapeaux et habillés de peaux de bêtes, qui venaient vendre du charbon de bois."
Maitre Péant riait franchement en les entendant :
- "Vous oubliez qu’il y a aussi, dans le bois, des fées qui remettent sur le bon chemin les voyageurs égarés ! Et qu’avec la bonne étoile de notre Lorenzino, il a plus de chance d’en rencontrer une que d’être attaqué par une meute de loups".
Il l’informa :
- "De toutes façons, demain soir, tu coucheras au prieuré de Moladier. Un des gardes du martel t’accompagnera le lendemain à la maison curiale de Cressanges ; tu resteras plusieurs jours en compagnie de mon vicaire, car je veux qu’il t’informe des travaux à entreprendre à l’église. A la fin de la grand messe du dimanche, je te charges aussi de contacter les parents de jeunes enfants. Je compte sur toi pour les convaincre des les envoyer à la petite école de grammaire que je vais ouvrir dès cet automne. Un peu d’éducation religieuse ne fera pas de mal à ces paysans : il n’est pas anodin si le mot de « païen » vient du mot « paganus », paysan ! Si tu étais resté suffisamment longtemps à l’université de Pise pour obtenir ton baccalauréat, je t’aurais bien recruté comme maître d’école".
Lorenzo était flatté de cette confiance : mais il comptait bien trouver une solution pour obtenir le baccalauréat et poursuivre ensuite des études de médecine.
- "Ne t’étonne pas des difficultés que tu auras à comprendre leur langage : leur français est très primitif et ils ont un curieux accent. Dans certaines familles de charbonniers, on s’exprime même dans un langage auquel personne ne comprend goutte. Même en cherchant bien, on n’y trouve aucune ressemblance avec une langue civilisée : latin, italien, espagnol, grec, ni même l’hébreu ou l’arabe. Certains pensent qu’il s’agit d’une langue secrète de sorciers. Ces gens sont certes un peu frustres, mais contrairement à ce que voudrait faire croire l’Inquisiteur de la Foi, qui veut se faire valoir auprès de monseigneur l’Evêque, ils ne sont pas méchants. En tous cas, ils n’ont pas passé de pacte avec le Diable".
- "Hou ! Hou ! ils font peur avec le charbon qui noircit le contour de leurs yeux" dit frère Jeannin qui était un peu craintif et supersitieux.
Mais maître Péant relativisa :
- "Ceux qui vivent dans la forêt, sans crainte, entretiennent forcément des liens étranges avec la nature, mais ils ne sont pas effrayants, frère Jeannin. Superstition que tout celà, comme est superstition la croyance de nos paysans qui vise à nous prêter, à nous, hommes d’Eglise, leurs curés, des pouvoirs miraculeux…."
Frère Jean qui était en verve osa se moquer :
- "Je m’étonne que le frère Pasquet, si prompt à voir partout des suppôts de Satan et des complots démoniaques, ne vous ait pas encore accusé de sorcellerie !"
Maître Péant mit en, garde Lorenzo :
- "Frère Jean a souvent tendance à parler à tort et à travers, mais là, il plaisante à peine. Méfie toi de ce frère Pasquet : il pose des questions pleines de sous-entendus. Et j’ai peur qu’il ne comprenne pas bien les plaisanteries dont tu es coutumier….
- « Le dominicain fou est vraiment bizarre. Bien plus que les charbonniers ! » dit frère Jeannin, avant de se mordre la langue, confus d’avoir osé émettre un avis aussi inconvenant sur un homme d'Eglise.
Maître Péant reprit :
- « Tu ne vas pas tarder à le rencontrer car on le voit fréquemment fureter par ici, surtout depuis que Madame Catherine y vient avec la Cour et Monsieur Michel de L’Hospital. »
Frère Jean confirma :
- « Je l’ai d’ailleurs entendu accuser le chancelier d’être un hérétique. Il voit le mal partout : le curé de saint Pierre d’Yzeure qui l’a invité l’an dernier à prêcher pour le Carême et l’Avent, a bien regretté son initiative. Du haut de la chaire, il a cherché à exciter les fidèles, pour qu’ils dénoncent leurs voisins. »
Maître Péant rappela :
- « En vain jusqu’à présent, heureusement. Il est vrai que Monsieur de L’Hospital a fait proclamer qu’on ne pouvait accuser quiconque sans preuve. Pour le moment, ce Pasquet fouine autour des adeptes cachés de la Religion prétendument réformée et notre reine Catherine, qui a constante la volonté de préserver la paix dans le royaume est fort inquiète. Mais elle ne peut pas interdire à un Inquisiteur, qui n’a à répondre qu’à notre seigneur le Pape de venir enquêter dans le duché".

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