dimanche 19 juillet 2009

chapitre 7

Les ronflements des frères empêchaient Lorenzo de dormir. Et il avait froid : la fenêtre du dortoir n’était même pas obturée par une feuille de parchemin huilée. La nuit était sombre et les étoiles étincelaient... Il alla les observer et il songea à sa cousine Marguerite, qui aimait tant monter sur les courtines du château pour contempler le ciel quand toute la cour était endormie.
Son regard s’était habitué à l’obscurité et il aperçu à une croisée de chemin deux silhouettes qu’il reconnut, l’une humaine, l’autre animale. Il sortit du dortoir et passa discrètement devant l’écurie où s’était réfugié frère Pasquet : il ne tenait pas particulièrement à lui parler. Il avait mis son tranchet à son côté et prudemment, s’approcha. Il avait bien crû reconnaître la jeune fille qu’il avait remarquée quand ils étaient passés devant la taverne de Coulandon et que le frère Pasquet regardait d’un air si peu amène. Son chien loup s’était levé, prêt à la défendre. Elle le retint par la peau du cou et fit tomber un objet que ramassa Lorenzo :
- " C’est quoi ce tube ? ? ?"
Elle le lui tendit et lui fit signe de regarder dedans ...
Lorenzo l’appliqua sur son œil. Elle sourit et le retourna. Puis elle lui fit signe de fermer l’autre œil..
- « Quand le doigt montre la lune, le sot regarde le doigt ! » (1) dit-elle avec une gentille ironie.
- "Mais tu parles français ? s’étonna Lorenzo.
- "Bien sûr... Je parle aussi le patois des gens d’ici... et un peu d’italien et un peu d’allemand que m’a appris mon père qui a beaucoup voyagé. C’est d’ailleurs d’un de ses voyages au pays des anciens Boïens, près d’une ville appelée Prague qu’il a rapporté cette « lunette ».
- "Au fait, je ne me suis pas présenté : je suis Lorenzo. Je viens de Florence, en Italie.
- " Mon nom de baptême est Marie, mais mon père m’appelle Fadette. Dans la forêt, on raconte que tu es un prince : le neveu de la reine Catherine."
- "Un cousin éloigné seulement.... et par la main gauche. Mais elle me fait l’honneur de son amitié".
Ebahi, il regarda à nouveau dans le tube :
- « c’est extraordinaire ce que l’on voit avec cet instrument..... . Un jour, j’ai cassé les besicles de mon oncle, et j’avais remarqué que quand on superposait les verres, on voyait plus gros, mais c’était un peu flou. Et je ne pensais pas que cela marchait pour rapprocher les étoiles : cet objet est merveilleux… Mais que fais-tu si près du prieuré la nuit ? Je n’ai pas aperçu de village »
Marie précisa
- « Récemment, nous avons installé nos loges, non loin de là, dans une clairière »
- "C’est quoi des « loges » ?"
- "Ce sont les cabanes en branchages que nous construisons quand nous fabriquons le charbon de bois. Nous les abandonnons quand nous avons fini d’exploiter la partie du bois qui nous a été attribuée. Notre village est plus loin, en réalité.
- « Tu as un bon compagnon » - Lorenzo regardait prudemment le chien – « mais ne t’attarde pas ici. Frère Pasquet dort à l’extérieur du prieuré, dans l’écurie. … Avec sa tendance à voir le mal partout, il est capable de considérer que ce bel instrument est un truc de sorcière. Et qu’il veuille le faire brûler dans un de ses bûchers ! Tu as dû le remarquer : c’est ce moine qui était assis au pied de la croix, devant l’église de Coulandon".
- "Ah, oui ! celui qui a un regard fou. Mon père m’a recommandé de m’en méfier. Merci de m'avoir prévenue. A bientôt, peut-être ?"
- "Je me rends à Cressanges où je séjournerai le temps de régler quelques affaires pour maître Michel Péant qui est le curé de la paroisse."
"- Nous nous reverrons pour la fête des Brandons, alors : son vicaire est invité au Village". Sur ces mots, la petite Marie s’éloigna avec chien loup. Arrivée au bout du chemin, elle se retourna et adressa à Lorenzo un signe de la main amical.
- « Qu’elle est gentille – pensa Lorenzo. Et jolie ! Ai-je rêvé ou a t’elle réellement des yeux de couleurs différentes ?

(1) on attribue aux Chinois ce proverbe. Nous détenons ici la preuve que certains de leurs voyageurs l'ont appris des charbonniers de la forêt de Moladier.

1 commentaire:

Marilyn la Californienne a dit…

Quelques nouveaux chapitres -- quel bonheur ! Je les lirai un par un ... c'est bon pour l'anticipation de la fete des Brandons. Bon proverbe chinois aussi -- j'aime ca.